Le LAAB fonctionne comme un groupe de recherche, ingénieurs et artistes travaillent ensemble de la conception à la réalisation. Cet aspect collectif est primordial dans notre travail car il entretient et favorise à long terme le croisement des recherches et des applications. Chacun, artiste comme ingénieur pouvant à un moment proposer une interprétation formelle des données, aussi bien que sa propre valorisation artistique.

DE L’INTERACTION

Depuis 2007, le LAAB organise et expose ses recherches. Principalement constitué jusqu’en 2014 de deux artistes et d’un ingénieur de recherche logiciel, il s’enrichit depuis sa création de nombreux collaborateurs invités. Au sein du LAAB les affinités sont diverses, pour le son bien sûr et l’espace, celle d’un compositeur, d’une spécialiste des plantes tropicales et enfin d’un expert en microcontrôleurs et en analyse de données. Les expérimentations du LAAB fédèrent des technologies très variées, du « low-tech » au « high-tech », notre préoccupation première est de préserver leur caractère double et indissociable : d’une part comme outils (instruments en vue d’une fin) et d’autre part en tant que partie prenante d’un processus de réalisation qui se donne à voir dans chacun de nos projets. Pour nous la formalisation de chaque projet est unique, de par le contexte humain, matériel ou climatique qui la compose. Nous n’avons jamais de pièces visibles d’une seule et unique façon. Chaque idée évolue par l’intervention et la maturation d’une matière, d’une ou de plusieurs personnes du collectif et d’une certaine porosité au contexte naturel.

EXPOSER LA RECHERCHE

En 2014, nous sommes accueillis en résidence au Château Éphémère - Fabrique sonore et numérique - à Carrières-sous-Poissy pour y développer nos projets à long terme. Pour cette résidence un peu particulière nous avons fait le choix de mener et d’exposer publiquement notre recherche. Le travail ainsi est visible à différents stades, les recherches souvent individuelles à leur début se croisent, et s’orientent parfois ensemble vers d’autres pistes. Ainsi et à terme se réunir et travailler au sein d’un même espace nous permet de conjuguer in vivo plusieurs temps dédiés à la fabrication, à la « gestation » et à la visibilité des processus qui font œuvre dans nos installations. La collaboration est réactive, « vivante » par essence et constituée de plantes, de matériaux et de chercheurs. L’espace de travail est l’espace d’installation, il porte en germe les formes conjointes de l’œuvre à son contexte.

DU PROCESSUS À L’OEUVRE

Nos créations, dont l’ingénierie et la partition sont singulières et spécifiques, se déploient dans la durée, nous avons ainsi avec le temps recherché des sites où les expositions pouvaient se réaliser sur des temps de plus en plus longs, dans le but de rendre hommage à une « expressivité » de la rencontre dans le temps. Au Château Ephémère et sur un même site, le LAAB a ainsi pu conjuguer sur deux années, des temps de recherches et d’interventions, tout en les imbriquant à des temps de « jachère » (élaboration interne à l’œuvre) et d’événements sur le temps des expositions. Cette façon de travailler devient le lieu privilégié d’une émergence de formes pour le collectif, en combinant les temps de « recherche / élaboration / exposition ». Le LAAB propose ainsi d’éclater des notions de durée et d’investir un espace où il ne s’agit pas de rendre tangibles certains phénomènes courants ou exceptionnels mais bien plutôt de générer — par la coexistence d’éléments — de la forme. L’espace d’exposition permet de tourner le regard sur les modalités de la création et transpose — en acte — la rencontre avec une matière, un support...

DE LA TEMPORALITÉ

Le choix des plantes oriente la collection de végétaux du LAAB vers des plantes rares au métabolisme spécifique et pour certaines, pangéniques (âgées pour certaines de 470MA, comme le Ginkgo biloba), dignes représentantes d’une forme exprimée sur un temps géologique long, elles ont développé des stratégies d’adaptation et de séduction spécifiques et endémiques. D’un autre coté, nous ne sommes plus habitués à vivre avec les plantes, à leur prêter attention, la plupart d’entre nous garde l’impression qu’elles sont juste là, éphémères ou statiques, alors que c’est entre ces deux formes extrêmes de durées que la vie prend véritablement forme — loin du ravissement de l’immédiateté proposé par les vidéos « accélérant » le rythme de la pousse des bourgeons, ou du spectaculaire, avec les plantes qui dansent ou qui se ferment par contact ... Le travail d’exposition du LAAB est « terra-formé » par les temps géologiques (longs) et journaliers en inscrivant une perspective d’équilibre construite entre les antinomies visible/invisible, éphémère/statique. Accorder une temporalité à l’œuvre et attacher une importance aux éléments qui la composent, c’est aussi permettre à l’artiste, d’avoir une activité de cultivateur qui se développe par le jeu de diverses strates d’attentions et d’actions, entre prendre soin et laisser libre court au jeu de rencontres et d’influences.

DU COLLECTIF

C’est également une conception du collectif qui est mise en jeu dans l’espace, à savoir trouver le juste équilibre entre des jeux de force, d’attention et de présence (humain, naturel, disciplinaire, artificiel etc). Les composantes de l’exposition interrogent l’émergence, une émergence en voisinages, et composée de formes aussi bien passées que mouvantes. Le LAAB souhaite rendre visible un fonctionnement car — donner à voir le processus — le changement, c’est également rendre la force à la création et exposer ce qui fait véritablement œuvre. En interrogeant un potentiel des niveaux de dire ou de faire, nos installations concourent à former des constellations d’état(s), au profit de ce vers quoi l’œuvre tend ou ce qu’il est à dire.

Contribution de François-David Collin et Sabrina Issa, publié dans le catalogue de la Biennale des arts numériques, organisé par le CDA, Centre des Arts d'Enghien les Bains en 2016.